Contre la musique formatée, un label bruxellois réhabilite l'artisanat et le lien "personnel" entre l'artiste et son auditeur (-trice) avec des morceaux uniques spécialement enregistrés pour l'acheteur, sur un disque ou même une bonne vieille cassette.
Il n'est pas question d'argent : l'artiste ne touche qu'un euro par disque ou cassette et le label ne dégage aucun bénéfice dans ce projet dont les ventes se limitent à quelques dizaines d'unités par an. Ce dont il est question, c'est de proposer une façon décalée de diffuser et d'écouter de la musique à l'ère du streaming.
"C'est un concept assez unique au monde", assurent à l'AFP Sylvain Chauveau, compositeur de musique, et Florent Garnier, promoteur de concerts, deux Français exilés à Bruxelles fondateurs en 2012 de I Will Play This Song Once Again Records.
Comme son nom l'indique ("Je vais rejouer cette chanson une fois encore"), ce label invite régulièrement des artistes à ré-enregistrer une ou deux chansons pour chacun des acheteurs.
Le chanteur a le choix du support - CD, vinyle, cassette... - et du nombre de versions "uniques" qu'il accepte d'enregistrer, généralement entre une dizaine et une vingtaine. Leur seule contrainte: mentionner le nom de l'acheteur pour lui prouver que la version qu'il entend est bien unique, enregistrée pour lui seul.
Ces enregistrements sont vendus (à prix coutants) sur le site du label à un jour et une heure donnés. Lancé fin 2012 avec un disque du musicien folk américain Peter Broderick, le label a sorti jusqu'ici 18 projets avec notamment Stranded Horses ou Frànçois, du groupe Frànçois and the Atlas Mountains, parmi les invités les plus connus.
"Ca m'a semblé amusant", explique à l'AFP Kate Stables, du groupe This Is The Kit, chanteuse britannique installée à Paris actuellement en train d'enregistrer les neuf cassettes personnalisées de 60 minutes qu'elle a acceptées de fournir. Un support qu'elle a choisi, dit-elle, par souci "écolo" car lui permettant de redonner vie à des bandes qu'elles n'utilisaient plus.
- 'Invitée chez l'artiste' -
"J'ai essayé au maximum d'enregistrer en une seule prise, pour que cela ressemble à un concert, mais parfois le téléphone a sonné ou quelqu'un est arrivé, et il a fallu faire une pause. J'ai inclus des sons de mon appartement, c'est une façon d'inviter l'auditeur dans mon espace personnel", ajoute la chanteuse, qui a également dessiné la pochette.
Cette approche a séduit Béatrice Marie, qui a acheté une des cassettes: "ça m'a plu qu'elle enregistre chez elle, cette proposition d'être invitée dans le quotidien d'une artiste, dans son univers créatif", observe cette Parisienne de 39 ans, également ravie de pouvoir réutiliser à cette occasion le vieux lecteur de cassettes de ses années d'étudiante.
Si le projet est forcément très restreint en termes de ventes, il a une dimension internationale tant par les artistes participants que par les acheteurs, originaires des Etats-Unis, d'Europe et du Japon, expliquent les fondateur du label bruxellois.
A l'instar d'autres initiatives actuelles, comme les enregistrements à l'ancienne de l'Américain Jack White ou ceux minimalistes du Français Mathias Malzieu dans un fauteuil en forme d'oeuf, ce projet est "une réponse nécessaire à la manière dont la musique circule aujourd'hui", estime Sylvain Chauveau.
"La musique est devenue omniprésente, elle est devenue le bruit de fond", dit-il. "Avec ce projet, on essaie de re-créer des moments privilégiés pour l'écoute de la musique. Quand tu reçois une chanson qui commence par +Salut Sylvain, cette chanson est pour toi+, tu ne vas pas l'écouter en faisant la vaisselle ou en prenant l'apéro avec des potes, tu vas l'écouter attentivement."
Le label, qui vendait jusqu'ici exclusivement en ligne, a testé récemment une vente "physique" chez un disquaire parisien en présence de l'artiste, une façon de renforcer toujours plus le lien entre chanteurs et auditeurs.
Source :
www.lessentiel.lu
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