« Quand les médias parlent de l’Afrique, ils ne nous montrent pas la beauté de ce continent. Ils ne parlent que des guerres, des maladies et de la pauvreté… J’ai eu la chance de rencontrer une Sénégalaise qui est devenue ma femme. Elle m’a fait découvrir son beau pays. Je suis convaincu qu’il est possible de créer maintenant une plateforme d’échanges culturels entre l’Afrique et la Chine », s’enflamme He Yujia, un jeune producteur chinois installé à Shanghaï.
Une déclaration qui pourrait tenir lieu de manifeste culturel. He Yujia, alias UJ Soulway, a lancé, le 12 septembre, le premier véritable « tube » de la Chinafrique : Ramata, du nom de son épouse. Un mélange de hip-hop et de R & B entêtant interprété par Ndongo D et Faada Freddy, du groupe sénégalais Daara J. Family, qui alternent wolof, chinois et anglais. Un son moderne calibré pour envahir rapidement les ondes de Chine et du Sénégal.
« Ramata est moi nous sommes rencontrés à Shanghaï il y a tout juste deux ans, explique UJ, J’ai un studio de musique dans cette ville et j’étais en train de travailler avec un groupe français. C’est comme ça que l’on s’est rencontrés. » « J’ai entendu de la musique, renchérit son épouse. J’ai poussé la porte du studio par curiosité et depuis on ne s’est plus quittés. »Une histoire d’amour qui a permis à UJ de se rendre pour la première fois de sa vie en Afrique. « Je ne parle pas wolof, raconte UJ, mais je me suis tout de suite senti africain. » Là-bas, il a rencontré le célèbre groupe sénégalais Daara J Family avec qui il a décidé de produire ce premier disque. « Un deuxième coup de foudre », raconte-t-il.
Le producteur chinois UJ Soulway avec le groupe Daara J Family en studio, à Shanghaï, en 2016. « On partage un amour commun de la musique et on voulait, des deux côtés, les mêmes choses. C’est pour cela que nous sommes allés en studio le soir même de notre première rencontre. On a enregistré ainsi notre première collaboration musicale », explique UJ qui aura travaillé sur le mixage du titre jusqu’à la toute dernière minute. Le disque a été présenté à Shanghaï la semaine dernière et le couple s’apprête à se rendre à Dakar pour faire la promotion de Ramata sur les radios du continent. Le producteur chinois est célèbre dans son pays pour avoir déjà écrit et produit plus de deux cents titres, dont l’hymne officiel du pavillon France pour l’Exposition universelle de 2010 à Shanghaï. Sa rencontre avec l’Afrique lui a donné l’envie de créer des liens culturels avec le continent.
Les échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique s’élèvent à 300 milliards de dollars (267 milliards d’euros) par an, soit autant que le volume des industries culturelles dans le monde entier en 2015. « Mais pour la culture, il n’y a rien !, se lamente UJ. Tout reste à faire. Quand les Africains pensent à la Chine ils pensent kung-fu et dragons. Nous, on représente la culture chinoise moderne. Avec cette chanson, on vise la jeunesse chinoise et sénégalaise. Je pense qu’en Afrique, le titre va marcher tout seul, mais le plus gros travail doit se faire en Chine. Ici, personne ne connaît Youssou N’Dour ! L’image de l’Afrique en Chine est très parcellaire. Il y a très peu d’échanges culturels. Les jeunes Chinois ne connaissent rien à l’Afrique. Je veux changer l’image des Africains en Chine mais aussi celle des Chinois en Afrique. Les Chinois aussi savent “groover” ! ». « Tout se passe en Chine, dit-on chez nous, explique Ramata Coulibaly. Tout le monde veut venir en Chine. Les artistes veulent percer sur le marché chinois. Quand nous sommes arrivés au Sénégal avec nos projets musicaux tous les artistes ont voulu travailler avec nous. La Chine change et il existe aujourd’hui une vraie curiosité vis-à-vis d’elle. » Après cette collaboration avec Daara J. Family, un album conceptuel est déjà en préparation. Il aura pour objectif de produire des titres avec différents artistes venus de tout le continent africain. « Mon rêve est de faire le tour de l’Afrique pour produire une chanson dans chaque pays du continent. Ce serait un album splendide, sourit-il. Un beau cadeau pour ma femme. »
Pour l’instant, Ramata demeure une exception dans cette Chinafrique essentiellement portée par les échanges économiques. Alpha Blondy devait faire une première tournée en Chine en septembre, mais des difficultés d’organisation ont retardé sa venue. Quant à Daara J. Family, le groupe sénégalais n’envisage pas encore de se rendre en Asie, car organiser un concert en République populaire exige, sinon de la passion, un fort soutien politique. Et dans ce domaine, il faudra beaucoup plus qu’une chanson pour faire bouger les choses.
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